Les centres de contact, Fiers de servir en 2nde ligne

Une interview de notre Président, Patrick Dubreil dans En-contact

Les télé-conseillers sont les héros invisibles de la deuxième ligne 

En Contact : L’industrie, le  secteur payent t’ils le prix d’une communication somme toute réduite ou d’images anciennes enracinées ?

Notre métier n’a jamais été compris par les médias grand public et admettons que nous n’ayons pas su faire les efforts suffisants en ce sens. Mais Il est assez déconcertant, à quelques minutes d’intervalle, d’être remerciés avec force par le Président de la République, au titre de l’engagement des femmes et des hommes qui composent la « deuxième ligne » et quelques minutes plus tard d’être déconsidérés dans un énième sujet de JT au traitement aussi superficiel que déséquilibré.

L’amertume de la profession est d’autant plus forte qu’effectivement l’entreprise désignée à la vindicte publique répond avec d’autres du secteur aux appels parvenant au numéro vert d’information d’urgence Coronavirus – Covid 19 mis en place par les pouvoirs publics et dont on sait l’importance vitale dans le dispositif de crise. Plusieurs entreprises françaises de la relation client externalisée figurent parmi les toutes premières mondiales du secteur et il est peu sérieux de laisser entendre, sans l’argumenter,  que des groupes employant plusieurs dizaine de milliers de personnes s’affranchissent des législations des pays où elles opèrent. S’agissant de Teleperformance, une position de leadership dans une industrie concentre toujours la perception d’ensemble du secteur à l’image de ce qui peut se passer par exemple dans la restauration rapide. Comprenons aussi qu’un groupe parvenu au premier rang mondial de l’industrie en fondant, entre autres choses, sa réussite sur la cohérence de ses pratiques sur plusieurs continents puisse avoir des procédures de communication strictes de ce fait.

En Contact : Que font et qu’ont fait les industriels des centres de contacts ces dernières semaines pour assurer  la sécurité des salariés et leurs activités pour le compte de leurs clients ? 

Le début de crise a été marqué pour toutes les entreprises par la difficile conciliation de deux injonctions aussi simultanées que contradictoires :  Restez chez vous   et  Assurez la continuité de l’économie.  Sur le plan de la sécurité sanitaire, très rapidement la commission sociale du SP2C (composée des DRH de nos adhérents) a publié un guide des bonnes pratiques sanitaires à destination des centres de contact. La diffusion large du guide auprès des centres externes et internes, en France et au-delà, son adaptation pratique à la réalité de terrain, sa relecture critique par les partenaires sociaux et donc son actualisation permanente ont permis d’apporter un premier  niveau de  réponse à l’inquiétude des salariés et leurs représentants travaillant sur sites ainsi qu’aux demandes des pouvoirs publics. Sur le plan de l’organisation des opérations, la particularité de notre secteur dans l’univers des services est historiquement la possibilité d’opérer certaines de nos activités en télétravail. Nous avons donc rapidement déployé les dispositifs compatibles avec les activités éligibles, y compris dans les pays Francophones où nous opérons.

L’incertitude des capacitaires ( volume de production susceptible d’être assumé et répondu )  des centres internes et externes, pour les semaines à venir, au vu de l’évolution de la crise doit nous faire privilégier le télétravail car il concilie sécurité des salariés et continuité économique. Ajoutons que les mesures de distanciation appliquées sur site ne nous permettent pas d’accueillir logiquement tous nos salariés en présentiel. Il nous reste néanmoins à adapter beaucoup plus rapidement avec nos clients donneurs d’ordre les modalités contractuelles aux particularités exceptionnelles de la situation, en particulier sur la sécurité des opérations. C’est la raison pour laquelle le SP2C a rédigé un addendum à sa charte « recommandations et bonnes pratiques pour une relation client externalisée durable et responsable » co-signée pour sa dernière version par le médiateur des entreprises. Il est recommandé par exemple de privilégier le traitement des flux en télétravail quitte à suspendre temporairement certains process, si la sécurité de l’intervention n’est pas garantie en mode distant.

En Contact : On ne voit pas les agents, on ne les rencontre pas contrairement aux livreurs, aux caissiers, est ce que ça joue selon vous dans cet ostracisme vis à vis des centres d’appels ?

Dans la majorité des cas, les clients, les consommateurs joignent un service client afin de résoudre un  irritant. Malheureusement l’agacement et la frustration qui en découlent peuvent se reporter sur le télé-conseiller au risque d’oublier que ce dernier, très loin d’être responsable dudit irritant -ni même de l’attente qui a précédé- est au contraire porteur de la solution attendue. Il en résulte parfois des attitudes aussi déplacées que regrettables à l’encontre des télé-conseillers. Ajouté à ce statut d’invisible, cet état de fait est probablement l’une des différences majeures avec d’autres métiers de service moins conflictuels.

En Contact : Les médias et le grand public n’apprécient-ils pas les agents de centres d’appels ou les sociétés qui les salarient ?

C’est un fait curieux, les consommateurs français n’aiment pas les services client. Plus précisément les centres d’ appels  en charge de leur fonctionnement et plus précisément encore les prestataires « sous-traitants » qui les opèrent. Que des entreprises soient interpellées sur leur responsabilité sociétale, leur gouvernance, leur modèle économique est une chose. L’injustice et l’inacceptable est de déconsidérer leurs salariés. Tous les jours, des dizaines milliers de télé-conseillers pour le marché Français renseignent, assistent et dépannent des centaines de milliers de consommateurs. C’est un métier dur, exigeant, pressant qui nécessite une certaine « fierté de servir ». Dans la période que nous traversons, si nous remercions naturellement la caissière d’être à son poste pour nos courses, nous pourrions effectivement remercier le télé-conseiller d’avoir été là pour nous répondre. Disons-le : durant cette crise, les télé-conseillers sont clairement quelques uns des  héros invisibles de la deuxième ligne.

Patrick Dubreil.

Propos recueillis par Manuel Jacquinet